Tolkien et l'art des différentes échelles cosmiques

Georges EliasSymbolic World Icon
November 7, 2023

Tolkien et l’art des différentes échelles cosmiques

Introduction

Dans ses deux trilogies Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux, J.R.R. Tolkien met en scène un monde fantastique qui à première vue ne semble pas nécessairement Chrétien. Cependant, en observant de plus près le déroulement de l’histoire, on constate que les motifs traditionnels se manifestent d’une manière concordante avec le monde Chrétien, sans pour autant en être une pâle copie. Le but de cet article est d’essayer de contribuer à la multitude d'interprétations qui ont déjà été faites en s’appuyant en grande partie sur des notions discutées dans le Monde Symbolique. Les comparaisons avec les thématiques chrétiennes n’ont pas pour but de réduire les histoires de Tolkien ou le corpus biblique. En effet, même si le corpus biblique appartient au domaine des histoires et de la mythologie, il ne peut pas être réduit à cette fonction: les histoires racontées sont présentées comme les nôtres, et nous avons donc la possibilité et la responsabilité d’y participer en communauté. Quant à la fantaisie de Tolkien, elle ne réclame pas une validité historique et la possibilité de former une communauté: Tolkien lui-même était chrétien et ne cherchait certainement pas à créer un remplacement. Clarifier cette différence de fonction est ce qui nous permet de pouvoir gagner le plus possible de la fantaisie Tolkienienne. Afin d’aliéner le moins de lecteurs possibles, l’article se basera sur les films de Peter Jackson et ne fera référence aux livres que lorsque nécessaire.

La richesse imaginative de Tolkien rend la tâche d'interprétation quasiment inexhaustible. Il est donc nécessaire d’ignorer un grand nombre afin de pouvoir mettre en lumière certains aspects appropriés au monde symbolique et à la thématique Chrétienne. L’influence de Saint-Maxime le Confesseur et de Carl Jung est importante à mon texte dans la mesure où je vois l'Homme comme étant le laboratoire des différents êtres présentés, sans pour autant réduire ces êtres à de simples projections. De ce fait, je présente l’histoire comme étant à la fois un voyage intérieur et une participation cosmique. Les différents êtres présentés sont des réalités indépendantes de notre volition personnelle, sans pour autant vouloir dire qu’elles existent sans l’Humain et son âme donnée par Dieu. Commençons donc par voir comment Tolkien présente la rencontre personnelle avec les principes cosmiques.

Le ciel et la terre: l’Homme en tant que médiateur

Les lecteurs seront probablement familiers avec les catégories fondamentales de la vision du monde traditionnelle: le ciel (Heaven) et la terre (Earth), l’unité et la multiplicité, l’invisible et le visible, le masculin et féminin. Tout phénomène est le résultat d’une union du ciel et de la terre, en commençant par un simple verre, jusqu’à l’être humain lui-même. Afin que le verre puisse exister en tant que tel, un motif invisible, un telos en rapport avec l’humain (implication à l’action: objet portable qui me permet de boire) contraint la multiplicité matérielle (les atomes, molécules, polymères) qui forme la partie visible afin que l’on obtienne un verre tel qu’on le connaît. Si l’on continue à suivre la vision du monde des anciens, ces catégories fondamentales se manifestent de manières fractales à toutes les échelles, du plus bas au plus haut.1

Étant des êtres humains, il est peut-être intéressant d’utiliser ces catégories afin d’expliquer des phénomènes comme un verre ou une table, mais ce n’est pas exactement ce qui va nous apprendre à vivre. En effet, le monde que l’on rencontre est en grande partie composé d’autres êtres humains, et de communautés d’êtres humains, d'où l'importance de la manifestation des motifs du ciel et de la terre par des personnes. Je pourrais utiliser le mot "personnification" mais cela impliquerait que l’existence de ces motifs serait en fait “abstraite” d’une certaine manière, et que la personnification serait là uniquement pour animer le concept et projeter notre humanité. La personnalité (”Personhood” et non pas “Personality”) de ces principes, et finalement de Dieu lui-même, est un sujet au-delà de mes compétences, mais il semblerait que l’incarnation en personne de ces principes opposés (ciel et terre) soit la forme la plus élevée qu’ils puissent obtenir, et non pas une dégradation ou figure de style. Je propose alors que lorsqu’on fait face à des êtres, émissaires de ces catégories, on est face à une meilleure description du monde dans lequel nous vivons.

Quel est alors le rapport de cette introduction aux histoires de Tolkien? On pourrait dire que la description la plus claire de ces deux principes opposés est présente dans l’opposition des nains et des elfes. En effet, les elfes sont clairement représentés comme étant des “enfants du ciel”: ils sont immortels, ils sont blancs et purs, ils ne mangent que très peu et ne s’alcoolisent pas. On peut également constater la perfection lorsqu’ils se battent, exemplifiée par la précision et les mouvements de Legolas. C’est le principe du ciel qui est mis en avant: il s’agit de la forme idéale, loin du corps et du monde de la mort, qui nous rappelle clairement l'Apollinien.

Cependant, Tolkien met au clair que les cieux ne sont pas à confondre avec le Paradis. En effet, les elfes, malgré leur apparente “perfection” et l’attirance de leurs domaines, ne sont pas sans défauts. Dans Le Hobbit, une scène particulièrement marquante est lorsque le roi Thranduil décide de fermer les portes de son royaume à l'arrivée des Orcs, refusant de participer au combat contre les forces du mal.2 Le même motif peut être vu dans Le Seigneur des Anneaux lorsque Elrond parle à sa fille Arwen de la vie des Hommes: il parle avec dégoût de la mort, avec dégoût mais également avec peur.3 Ces motifs-là se répètent à l'échelle des individus comme le montre l’arrogance de Legolas dans Le Hobbit envers les nains: il les méprise pour être proche de la terre. Ainsi on peut donc voir les “péchés de la main droite” commis par les Elfes, les péchés de la fierté, une fierté qui se repose sur “l’intellect” (ancien sens du mot: le Nous) et qui refuse la mort et le monde du corps. La peur et le refus de la mort ne peuvent que nous rappeler Saint Pierre qui dit à Jésus qu’il peut ne pas mourir, qu’il peut éviter la descente dans les bas fonds du monde, Saint Pierre étant la droite du Christ, fondation de son Église.4 L’esprit des elfes pourrait également être vu dans les pensées gnostiques, et peut-être même certaines pensées bouddhistes, qui regardent le monde du corps et la mort comme un scandale, une illusion ou une magouille dirigée par le diable. De ce fait, si les elfes pourraient à première vue apparaître comme la perfection, il est important de ne pas rater les détails qui nous pointent vers un excès de perfection et d'unité et une peur de la fragmentation. Après tout, la race aryenne était une exaltation de l’Homme parfait: blanc blond aux yeux bleu…

Quant aux nains, il est clair qu’ils illustrent la catégorie de la terre, “la partie inférieure”. Cela est déjà mis en place par leur petite taille, qui leur permet d’être proches de la terre. La terre promise des nains est un royaume “sous la montagne” qui symbolise bien leur position dans la hiérarchie cosmique. Ils sont présentés comme étant très gourmands: ils adorent la nourriture et l’alcool, et en consomment par excès. Contrairement aux elfes, ils vivent dans la multiplicité, et dans le monde de la désintégration. Ils sont présentés comme étant des mineurs de profession, et travaillent dans la métallurgie et l’artisanat: tout ce qui est en rapport avec la terre et sa maîtrise technique. Ils sont très attachés à l’argent et à l’or également, ce qui est présenté comme étant la cause de leur chute: la cupidité leur a coûté leur royaume, et les a délaissé dans le chaos et la désintégration, dans l’espoir de revenir à l’unité. Leur description dans les films nous apprend à apprécier leur courage face au combat et à la mort, leur loyauté l’un envers l’autre ainsi que leurs particularités (un nain plutôt insouciant, l’autre plus penseur, l’autre plus soumis à l'autorité, etc.).5

Contrairement aux elfes, il est plus simple de comprendre à première vue comment les nains, la terre et le monde de la désintégration ne doivent pas être confondus avec le paradis. Tolkien exprime clairement cela avec l'Arkenstone et le royaume d’Erebor. En effet, le parcours des nains dans Le Hobbit ressemble au motif de l’Exode de Moïse: ils sont dans le chaos et sont en direction vers la Terre Promise. Le seul problème est que la conceptualisation de cette “terre promise” est celle des nains, donc elle idéalise les désirs, les biens terrestres et matériels: il ne s’agit pas de la ville de Dieu, mais plutôt d’une cave remplie de richesse et contenant l’Arkenstone qui n’a fait que corrompre le coeur de Thorin, chef des nains. Vu de cette manière là, on peut finalement comprendre comment nous pouvons tous tomber dans les péchés de la main gauche, qui nous font penser que la gratification terrestre et immédiate, et l’accumulation des ressources, sont en fait ce que notre cœur demande. Après tout, la révolution du prolétariat était la promesse d’une utopie matérielle.

On pourrait penser aux Elfes et aux Nains comme étant des tendances incomplètes qui se manifestent chez les Hommes. En effet, il est aujourd’hui clair que nous avons une certaine nature qui nous prédispose à percevoir le monde d’une certaine façon et pas d’une autre. Si l’on accepte la typologie Jungienne comme cadre de travail, on pourrait dire que les fonctions de sensations et de sentiments prédisposeraient à un biais “Dyonisien” alors que les fonctions de la pensée et l’intuition à un biais "Apollinien".6 Mais l’Homme n’est ni nain ni elfe: il est en réalité la rencontre de ces deux mondes. On peut voir cela clairement dans Le Hobbit lorsqu’il s’agit du royaume des Hommes. En effet, Bard, le héros des Hommes, doit faire face aux deux problèmes permanents: il est victime de la tyrannie de l'État qui est une image fractale de la tyrannie de Thranduil roi des elfes qui contrôle toute la zone. (Il souffre donc du péché de la main droite, excès d’ordre). De plus, il est également victime de la désintégration et du chaos que les nains vont causer en réveillant le dragon Smaug qui se repose dans les richesses d’Erebor. Ainsi, on a donc le royaume des hommes entouré d’une part par la tyrannie des Elfes et d’autre part par la désintégration des nains et du dragon.7 Ainsi, Tolkien nous montre que le héros des Hommes est celui qui combat la tyrannie de l’Etat ainsi que le dragon du chaos. Ainsi, l’Homme idéal est présenté comme étant le médiateur entre le ciel et la terre qui combat les excès d’ordre et de chaos, des elfes et des nains.

La notion du mal dans Le Hobbit

Nous avons discuté les elfes comme représentants le haut de la montagne, les nains comme étant le bas, et les Hommes comme étant le locus ou les deux se retrouvent, en quelque sorte le terrain de jeu de ces forces cosmiques opposées. Constatons que nous nous sommes largement appuyés sur les films Le Hobbit, puisque leur structure semble être celle qui suit “la chute”: une désincarnation et un monde d’opposés. Les nains ont chuté de leur terre promise d’Erebor à cause de leur orgueil, et fractalement Bilbon est forcé de quitter Le Comté (un état d’ignorance totale précédant la conscience de soi) exactement parce qu’il est un “voleur” (le vol de la flamme des dieux, ou la consommation du fruit interdit).

Tout au long, il est très intéressant de constater comment le problème du mal est traité. En effet, les elfes n’aiment pas les nains, et les enferment en prison en les méprisant. On voit donc ici une vision du monde qui confond “l’ordre et les cieux” pour le Bien, projetant le mal aux nains. Le haut de la hiérarchie est vu comme bon, et le bas comme mauvais. Vers la fin du film, les nains s’enferment à Erebor et exhibent un antagonisme similaire: le haut de la hiérarchie est mauvais et oppressif, et il s’agit du mal et de l’ennemi.8 On pourrait donc parler de cet état comme étant un état de désincarnation ou les opposés, au lieu de s’unifier par amour, se diabolisent.

C’est exactement cet antagonisme de l’autre qui cause Azog et Bolg, des orcs, vrais représentants du mal, à planifier une attaque qui va coûter la vie à plus d’un protagoniste, nous donnant ainsi une idée importante sur la réelle nature du mal. Le mal est exactement ce principe qui oppose l’incarnation, le principe qui empêche l’unité et la multiplicité de coexister . Que ce soit par l’arrogance ou par les passions, (on voit ces péchés s’inverser de manière intéressante dans les scènes du troisième Hobbit lorsque Thorin est celui qui se renferme, et Thranduil est celui qui vient pour l’argent quitte à rester sans-abri*) le mal est cette force qui empêche l’unification. Narrativement, cela est mis en scène lorsque les Orcs débarquent au milieu du conflit qui opposait nains et elfes, ne leur laissant aucun autre choix que de s’unir. C’est comme si les nains et les elfes avaient eu la réalisation que la domination des Orcs tout au long correspondait en fait au manque d’incarnation et aux excès des deux côtés. Rejeter et contrarier l’opposé pourrait paraître comme un bien à court terme, mais c’est exactement cette unilatéralité qui est au service du mal.

Clairement, la chute dans le monde de la mort et des opposés est accompagnée par la présence du mal. Cependant, ce mal est présenté comme étant le principe qui oppose la coexistence de la multiplicité et l’unité, qui refuse l’amour. C’est lorsque les elfes et les nains transcendent leurs oppositions que le mal est vaincu. Cependant, lecteurs et spectateurs de cette fantaisie épique ne sont ni des elfes, ni des nains, et ne sont probablement pas l’archétype de l’héros qu’est Bard. Quel est donc notre rôle et notre combat afin d’aligner les principes cosmiques et empêcher la désintégration? Il semblerait que la catégorie des Hobbits soit celle qui détient la réponse à cette question.

Notre responsabilité face aux forces du mal

Le départ de Bilbon pour l’aventure suit clairement le motif archétypal de la chute d’un état d’ignorance bienheureuse. Cette chute l’envoie dans le monde de la mort, du danger et des opposés, et c’est exactement là-bas qu’il trouve l’anneau. Si la signification de cette découverte n’est pas vraiment développée dans Le Hobbit, ayant appris la totalité de l’histoire, on peut voir la ressemblance avec le fait que la descendance de Caïn fonde la première ville, les premières armes ainsi que la technologie en tant que tel.9 En effet, étant loin du centre et dans un monde où le danger est immanent, Bilbon trouve une façon qui lui permet de rester sain et sauf: L’anneau le rend invisible, protégé et on peut clairement voir comment cet anneau lui rappelle le Comté ou même Rivendell. Ainsi, on peut vraiment voir dans Le Hobbit une descente dans le monde des opposés et le monde de la mort, qui mène Bilbon à “voler” l’anneau afin de pouvoir se protéger en cas de besoin.  Autrement dit, l’anneau joue un rôle analogue à la technologie protectrice employée par la descendance de Caïn qui tente de se protéger dans un monde hostile, mais menant aussi à de nouveaux dangers. Cela est clairement une préparation pour Le Seigneur des Anneaux où la nature du mal est clarifiée.

En effet, on voit clairement que Bilbon a été corrompu par l’anneau, par cette découverte qu’il croyait être à son avantage. Et on découvre également que cet anneau n’est pas anodin, mais qu’il s’agit de l’anneau qui contrôle tous les autres, et qui est celui dont Sauron, le roi du mal, a besoin afin de reprendre son corps. Frodon a donc pour mission de détruire cet anneau: on retrouve le motif de sauver son père et racheter ses pêchés de manière volontaire. Ce motif universel est épuisé (poussé à sa limite) par le Christ qui sort et sauve Adam de la mort, le premier homme père de tous.10 Nous sommes tous dans cette situation puisque nos pères ont également pris l’anneau, et ont été corrompus par celui-ci, et nous vivons dans un monde qui en résulte largement. Ce qui est donc demandé de nous est un respect pour nos pères et notre culture d’une part, et une prise de responsabilité pour leurs péchés d’une autre. Frodon ne cède pas à la tentation du ressentiment et ne pointe pas du doigt l’insuffisance de son père, mais se sacrifie malgré son innocence.

Si Le Hobbit traite le danger de la désincarnation et l’opposition, Le Seigneur des Anneaux nous présente la solution. D’emblée, hommes, nains et elfes s’allient afin de combattre les forces du mal qui dominent. Cette domination est cependant différente de celle dans Le Hobbit: les elfes avaient à combattre Bolg, les nains Azog et les magiciens avaient fait face à Sauron en personne. Cependant, Bilbon n’avait pas vraiment de bataille précise, d'où un certain manque lorsqu’il s’agit de notre responsabilité personnelle dans la bataille contre le mal. Ce problème est adressé jusqu’au bout dans Le Seigneur des Anneaux où la domination des forces du mal est directement liée aux Hobbits: c’est entre leurs mains que réside le destin de la Terre du Milieu.

Qu’est-ce qu’un Hobbit exactement et pourquoi leur importance dans ce drame cosmique? Les Hobbits sont présentés comme étant des créatures qui s’épanouissent dans le confort de leur maison, dans le confort du territoire connu. L’étymologie du nom provient même de “habitants d’un trou”. Sans vouloir nécessairement amener un regard Freudien, il est difficile d’ignorer la relation avec le confort maternel dans le comté, une certaine inconscience, qui précède la chute. Vu dans un cadre Jungien, le Hobbit est l’égo naissant qui se libère de son état d’inconscience afin d’espérer pouvoir le retrouver d’une manière transformée en fin de vie. Cependant, cet ego aura toujours une nostalgie pour le confort dont il bénéficiait dans son inconscience, et sera toujours tenté de le retrouver prématurément. L’anneau est exactement cette possibilité qui se présente à Frodon: invisibilité et immunité garanties contrairement à la fatigue et la souffrance qui l’attendent dans son aventure. Aujourd’hui, le pouvoir de l’anneau est de plus en plus étendu, et à chaque coin de rue se présente à nous la possibilité de disparaître derrière un désir et d’oublier la quête que nous avons tous. Mais quelle est cette quête qui est l’alternative à un hédonisme et fuite du monde?

Frodon chute volontairement de cet état d’ignorance bienheureuse et descend jusqu’au Mordor: non pas le chaos total (le dragon que les nains réveillent) mais plutôt l’Enfer du Mordor et les flammes qui seules détiennent le pouvoir de détruire l’anneau. D’une certaine manière, il est seul, il est seul à devoir supporter la tentation de l’anneau et porter cette responsabilité. Il pense que Gandalf est mort, et ne peut connaître de son point de vue le combat que sont en train de mener les elfes, les nains et les Hommes. D’une certaine manière, nous souffrons tous des mêmes limitations: notre échelle ne nous permet pas de savoir que les forces du Bien dans toutes leurs formes combattent à nos côtés. Et c’est la nécessité de la foi qui est présentée dans cette situation; la nécessité mais également la difficulté. La tentation de l’anneau et l’épreuve de la foi sont clairement des combats que nous partageons avec Frodon. Cependant, il ne faut pas oublier que sa quête est également la descente en Enfer afin de détruire le mal et le pêché de manière ontologique. Comment peut-on concilier cela avec sa nature de Hobbit?

Les notions de “l’Homme Cosmique”, “Adam Kadmon” et “Christ le Pantocrator” sont de grande aide afin de comprendre la primauté du Hobbit. En effet, il existe dans la tradition chrétienne l’idée que les anges et les principautés sont au final au service de l’Homme, et que l’Homme est fait pour régner auprès du Christ. Même si ces êtres existent à une échelle plus haute que celles des Hommes, leur telos n’est achevé que lorsqu’ils sont au service de l’Homme et du Christ. Quelles sont alors les conditions pour que les principautés atteignent leur telos? Il semblerait que c’est lorsque l’on sacrifie tout par amour que les principautés deviennent finalement de service. Dans Le Seigneur des Anneaux, on observe que toutes les forces du Bien sont au service de Frodon dans sa quête: Gandalf le magicien, Legolas meilleur des elfes, Gimli meilleur des Nains, Aragorn Roi des Hommes héritier du Trône, et le royaume des Hommes. Ainsi, afin de vaincre le mal “ontologiquement”, Tolkien propose que la bataille principale n’est pas nécessairement ensanglantée et remplie de coups d’épées: il laisse ces images pour le domaine des principautés. Il propose plutôt que la bataille principale se déroule dans le cœur de chacun d’entre nous entre l’Amour et la tentation, et que cette bataille est paradoxalement d’une importance cosmique.

Conclusion

Ainsi, Le Seigneur des Anneaux présente la culmination des principautés qui ont été introduites dans Le Hobbit, et leurs rôles dans le drame cosmique qu’est la bataille contre le mal. Le Hobbit illustre le monde des opposés et de la désincarnation, et les problèmes qui en résultent. Nains et elfes sont incompatibles, et refusent la communication, ce qui cause les excès de l’unilatéralité auxquels les Hommes auront à faire face: désintégration et tyrannie. Finalement, les deux pôles finissent par s’allier lorsqu’ils ouvrent les yeux à la réelle nature du mal, et cessent de le projeter l’un à l’autre. Ainsi, les forces du mal sont combattues, mais uniquement à l’échelle des principautés, d’où le besoin d’une résolution finale qui paradoxalement viendra de l’échelle des Hobbits. En effet, Le Seigneur des Anneaux présente la défaite du mal de manière ontologique à travers le sacrifice de soi qu’illustre Frodon. Ce sacrifice est présenté comme étant la bataille principale sur laquelle repose le destin de La Terre du Milieu, et elle rassemble toutes les principautés à son service. Il n'y a plus de temps pour les querelles entre nains et elfes, les opposés se sont alignés. On pourrait dire généralement que les forces cosmiques s’alignent lorsque le vrai héros se manifeste. Dans ce cas là, il est manifesté à différentes échelles avec Frodon, Aragorn et Gandalf qui partagent leurs sacrifices et combats contre la mort. L’article a mis l’accent sur l'héroïsme de Frodon puisque sa place dans l’échelle cosmique est celle que l’on partage en tant qu’individus particuliers, tout comme ses tentations et ses combats.

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[1] Pageau, Mathieu “The language of Creation: Cosmic Symbolism in Genesis: A commentary”, 2018

[2] Le Hobbit: La Bataille des Cinq Armées, 2014

[3] Le Seigneur des Anneaux: Les Deux Tours, 2002

[4] Left Hand/ Right Hand Symbolism https://www.youtube.com/watch?v=o_4j9Ts2wxU

[5] Le Hobbit: Un voyage inattendu, 2012

[6] Jung, Carl “Psychological Types”, Princeton University Press, 1976 traduit par Gerhard Adler

[7] Le Hobbit: La Désolation de Smaug, 2013

[8] Le Hobbit: La Bataille des Cinq Armées, 2014

[9] Pageau, Jonathan. The Book of Enoch: Fallen Angels and the Modern Crisis https://www.youtube.com/watch?v=QtmLCK1keFI&t=2536s

[10] Pageau, Jonathan. How Christ Saves his Father from the Underworld

https://www.youtube.com/watch?v=K3eF7rQjMTo

*Thranduil est le roi des Elfes et ses excès sont généralement de pureté en s’enfermant et ne laissant entrer personne de l'extérieur. Thorin est le roi des nains et ses excès sont généralement une gourmandise qui le pousse à intégrer l'extérieur (L’argent, L’Arkenstone) à un point ou cela cause sa perte. Dans cette séquence, c’est Thorin qui s’enferme et Thranduil qui désire les richesses.

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