La récente cérémonie des jeux olympiques a suscité beaucoup de troubles, non seulement parce qu’elle semblait tourner en dérision la Sainte Cène, mais aussi pour le symbolisme obscur et sibyllin de certains de ses tableaux. L’analyse de Jonathan Pageau à ce sujet est comme toujours très intéressante. Cet article se contentera d’évoquer un film sorti peu avant l’été et qui, tout en critiquant l’accueil des JO par la ville de Paris, semble en annoncer les motifs symboliques.
Sous la Seine est un « film de requin » publié sur Netflix en juin dernier. Le synopsis est un classique du genre : peu avant une épreuve de triathlon destinée à prouver que Paris est prête à accueillir les Jeux Olympiques, un requin tueur s’introduit dans la Seine. Une scientifique tente d’alerter la mairie de Paris, mais les dirigeants cherchent à étouffer l’affaire. Finalement, l’héroïne est entendue par des policiers de la brigade fluviale, qui décident de prendre la situation en main contre l’autorité de leur hiérarchie corrompue. Rien de très original. Au contraire de Sharknado, auquel il a été comparé, Sous la Seine se prend très au sérieux : le message écologiste est délivré avec une gravité religieuse, la photographie est sinistre, les personnages sont taciturnes et torturés par les démons de leur passé. En somme, c’est un drame à la française accouplé à un film d’horreur de série B. Malgré de nombreuses critiques négatives, le film a eu un certain « succès de scandale », notamment parce qu’il constituait une charge explicite contre la mairie de Paris à l’approche des JO.
Sous la Seine a la particularité d’exploiter de manière peut-être intentionnelle un intéressant symbolisme pseudo-religieux, tout en demeurant un film de monstre moderne tout à fait typique. Il se prête donc très bien à l’analyse symbolique, et cette analyse révèle des liens remarquables avec l’esprit général des Jeux Olympiques de 2024. Pour démontrer cette accointance, nous commencerons comme il se doit par commenter le « cadre » du film ; c’est-à-dire sa première et sa dernière scène.
La première scène est pleine d’un symbolisme qui ne peut pas être entièrement fortuit. Au nord de l’océan pacifique, dans le vortex de détritus qu’on appelle le « septième continent », deux femmes et quatre hommes membres d’une association écologiste sont à la recherche d’un requin femelle dont ils étudient le développement. Le traceur posé sur le squale indique qu’il rôde au milieu des détritus : les quatre hommes de l’équipage plongent donc à sa recherche dans la vaste décharge océanique. Ils découvrent que l’animal a triplé de taille en très peu de temps, et qu’il est accompagné d’autres requins, tous femelles. Après avoir tenté de prélever un échantillon de peau sur l’un des requins, les plongeurs sont attaqués et la communication avec le navire est coupée. L’une des deux femmes restées à bord, Sophia, plonge au secours de ses collègues, mais ne découvre que des morceaux de cadavres éparpillés flottant parmi les déchets. Elle fait soudain face à la requine géante, empêtrée dans un filet de pêche abandonné. Après un face à face immobile de quelques secondes, le terrible prédateur se précipite sur Sophia, mais l’esquive au dernier moment. La plongeuse s’emmêle dans le filet avec l’animal, qui l’entraîne dans les profondeurs. Elle parvient in extremis à sectionner ses liens et à revenir de l’abîme saine et sauve. On comprend que c’est Sophia qui sera l’héroïne de l’histoire, et que sa relation avec le monstre sera ambiguë.
Cette première scène en dit long sur les intentions du film. Tout d’abord, les connaisseurs de films de monstre pourront deviner que la requine-mère n’a pas pris tout ce poids par manque d’exercice : elle est « mutante », et c’est bien entendu la pollution créée par les hommes qui lui a conféré sa taille gigantesque. Cette pollution est associée au principe « civilisateur » masculin : elle est la marque de l’hubris typiquement reproché aux société dites patriarcales. En second lieu, ce banc de requins d’où les mâles sont inexplicablement absents fait irrésistiblement penser aux vélociraptors de Jurassik Park, qui se reproduisent par parthénogenèse, c’est à dire sans la contribution des mâles. Ici aussi, comme on l’apprend aux deux tiers du film, les monstres sont tous femelles.
Du point de vue symbolique, cette première scène met évidemment en avant le pouvoir d’une féminité vengeresse libérée de son pôle masculin : il n’y a aucun requin mâle, tous les hommes de l’équipage sont dévorés, et toutes les femmes survivent. Moins subtilement encore, la femelle requin qui porte le traceur s’appelle Lilith, du nom d’un démon « féminin » de la tradition juive parfois associé au succube. Lilith est aussi considérée comme la première femme d’Adam, créée non de la côte de celui-ci, mais d’une terre corrompue. Cette première épouse aurait cherché à dominer Adam ou à être son égale, ce qui aurait entraîné sa destruction ou son bannissement. Certaines traditions affirment qu’elle aurait été changée en serpent et aurait tenté Eve pour se venger. On ne sera pas surpris d’apprendre que beaucoup de féministes ont fait de Lilith une figure tutélaire.
Le personnage principal se nomme Sophia, nom qui évoque l’aspect féminin de la divinité (la sagesse). Mais Sophia est aussi, dans le symbolisme gnostique, une divinité à part entière. Selon certains récits, Sophia aurait cherché à « enfanter seule » (par parthénogenèse, donc) et ne serait parvenue qu’à engendrer un avorton, une parodie de sagesse, qui à son tour aurait peuplé la terre de passions malsaines. Lors de leur confrontation, le démon « Lilith », symbole de la féminité autosuffisante (puisqu’elle parvient à se reproduire seule) attire donc à elle Sophia, symbole d’une féminité dépendante, comme pour partager avec elle le secret de sa fécondité. Pour ce faire, Lilith emmène Sophia dans les profondeurs ; c’est à dire dans le monde liquide et non-informé par le principe masculin, ou plus simplement dans le chaos. C’est une parodie inversée d’un motif chrétien : le « pêcheur d’homme » de la Bible tire les âmes des ténèbres et les ramène à la lumière. Ici, le requin pêche l’héroïne avec son filet et l’attire dans les profondeur. Il faut aussi noter qu’en plongeant dans l’abîme, Lilith s’éloigne de la surface polluée par la folie des hommes : puisque le principe masculin civilisateur, censé fertiliser la matière chaotique, n’est parvenu qu’à la souiller, le principe féminin replonge pour ainsi dire en lui-même et y cherche seul sa fertilité.
Il est intéressant de noter que parmi les plongeurs massacrés se trouve le mari de Sophia. Avant d’emporter Sophia avec elle, Lilith a donc démembré son mari : le pôle masculin du binôme où Sophia tenait le rôle féminin est dissout dans la « féminité universelle » représentée par l’océan. On peut voir là encore une inversion, celle du fameux mythe d’Isis et Osiris. Dans ce mythe, Isis regroupe les membres épars d’Osiris et le reconstitue. Le principe fécondant masculin (Osiris) est « reconstitué » par la féminité « pure » (Isis) et peut ainsi se manifester pleinement, alors qu’il se manifestait de manière partielle et éparse dans la multiplicité. On a rapproché ce symbolisme de celui de l’Incarnation, où la pureté de l’Immaculée Conception abrite le Nouvel Adam, qui répare les conséquences de la Chute. Dans le film, c’est le contraire qui se produit. Le principe féminin n’est plus « accueillant » et ne permet plus la manifestation complète du principe masculin, qui a démérité. Au contraire, la féminité dissout et démembre le masculin. Il est à ce titre inquiétant de noter que le mari de Sophia s’appelle Chris.
Le symbolisme de cette première scène est assez lourd pour être noté, qu’il soit délibéré ou non. Xavier Gens, le réalisateur, a d’ailleurs à son actif un film d’horreur sur un exorcisme, The Crucifixion. Il est fort possible qu’il se connaisse un peu en symbolisme religieux. Et même si on trouve cette lecture tirée par les cheveux, on admettra au moins qu’il n’a pas nommé par hasard Lilith un requin femelle dévorant tous les hommes et épargnant les femmes.
Nous avons dit que l’Océan était la potentialité « non informée », « autosuffisante ». La féminité lui est souvent associée. Essentielle à la vie, l’eau est également le lieu du chaos et de l’indistinction. Par opposition à la masculinité, qui est associée à la cohérence, à l’intolérance, et à la sécheresse, l’eau et la féminité sont associées à la complétude et à l’incohérence : l’arbre est un symbole masculin et sec, qui ne peut croître et subsister que s’il est vivifié par une dose nécessaire d’eau (c’est à dire, analogiquement, de chaos et de féminité). Une société trop « masculine » et « sèche » est intolérante et totalitaire : tout y est régi et hiérarchisé, et tout ce qui est marginal en est retranché. Une société trop « féminine » est parfaitement « inclusive », mais tout s’y mêle sans cohérence, comme les ruines d’une civilisation engloutie. L’hubris d’une société trop masculine, qui croit pouvoir tout contrôler, est puni par l’avènement d’une société trop féminine : c’est le récit du Déluge. C’est aussi exactement ce que décrit Sous la Seine : l’hubris des hommes a provoqué un désastre écologique, qui déchaîne en retour l’ire de notre mère la Terre sous la forme d’une invasion de requin femelles.
Dans la dernière scène, des militaires tirent à la mitraillette sur les requins, qui dévorent les athlètes du triathlon. La compétition sportive (recherche de performance typiquement associée à la masculinité) est ainsi engloutie par les créatures féminines. Outre une jeune femme qui tire au fusil à lunettes sur les requins, la plupart des militaires sont des hommes qui mitraillent l’eau du fleuve à l’aveugle. Et c’est cette fusillade essentiellement masculine qui conduira au déluge. Sous la Seine se trouvent des restes d’obus de la seconde guerre mondiale. Les balles des guerriers modernes répondent aux balles des guerriers passés, et déclenchent une réaction en chaîne qui entraîne l’engloutissement de Paris sous les eaux. L’excès de virilité détruit la cité, qui s’écroule dans la confusion, comme le monde antédiluvien. La dernière scène montre Sophia, réfugiée sur le toit d’un kiosque à journaux et constatant la victoire des requines sur la cité des hommes. L’héroïne est réunie avec le protagoniste masculin du film, mais celui-ci meurt à son tour (semble-t-il) et elle se retrouve seule au sommet d’un monde immergé où prospèrent les monstres. Le générique montre diverses cartes de capitales mondiales où des lignes rouges indiquent la progression des requins mutants : comme les géants de la Genèse annonçaient le déluge, les requins géants de Sous la Seine annonçaient l’engloutissement de la civilisation moderne, trop masculine, sous les eaux féminines de renouvellement.
Entre ces deux scènes au symbolisme assez clair, il faut noter la présence de personnages secondaires intéressants. Il s’agit d’un groupe essentiellement composé de jeunes femmes qui cherchent à sauver Lilith. Le récit est centré sur les manigances de deux d’entre elles, qui sont aussi amantes.1 Ben et Mika cherchent à communiquer avec Lilith et à la sauver de la patrouille fluviale qui tente de l’éliminer (ou de la capturer). La première action de ces militantes consiste à libérer Lilith du traceur posé par l’équipe de Sofia : la marque de la civilisation lui est ôtée. Lors de la scène la plus violente du film, Mika va jusqu’à nager avec Lilith, qui se montre avec elle aussi amicale qu’elle l’avait été avec Sophia. Mais les deux créatures aquatiques sont interrompues par l’arrivée de la patrouille fluviale, qui cherche à imposer son autorité à ce ballet ambigu en poussant des imprécations. Ce désir de contrôle – la « cohérence » masculine par opposition à « l’inclusivité » féminine – entraîne la panique du requin qui se venge en emportant Mika et en attaquant les militants écologistes qui assistaient à la scène. On se souvient que c’est également le désir de contrôle masculin qui a déclenché le massacre de la première scène et l’apocalypse de la dernière scène : dans la première scène, les plongeurs avaient tenté de prélever un échantillon de peau sur un requin (avec un outil de prélèvement d’aspect phallique), dans la dernière scène, l’intervention militaire provoque la destruction de Paris.
Si l’on venait à s’insurger de la bêtise de Mika, une féministe pourrait rétorquer « Je choisis le requin », en référence à une récente tendance des réseaux sociaux. Cette mode consiste à demander à des femmes si, perdues en forêt, elles préféreraient rencontrer un ours ou un homme : de nombreuses femmes « choisissent l’ours ». Ce choix saugrenu n’est pas sans évoquer les ourses d’Élisée dont il est question dans un épisode particulièrement étrange de la Bible. De jeunes gens se moquent du prophète Élisée à cause de sa calvitie (de sa nudité devant Dieu). Élisée les maudit, et des ourses surgissent de la forêt pour les « déchirer ». On voit dans ce récit une force tellurique, féminine, issue de la potentialité sauvage, qui absorbe et dissout les blasphémateurs précisément à cause de leur hubris. Refusant de se reconnaître « nus devant Dieu », les blasphémateurs détruisent la légitimité de la soumission qu’ils cherchent à imposer à la nature sauvage, et sont absorbés par elle.
Dans le « choix de l’ours » par les féministes, comme dans le choix du requin par Mika, l’illégitimité de la position masculine rend l’autorité du principe plus détestable encore que le chaos originel de la matière. En d’autres termes : il vaut mieux revenir au chaos que de se soumettre à une autorité illégitime – c’est à dire une autorité qui ne reconnaît rien au-dessus d’elle. Ou encore : il vaut mieux engloutir le monde sous les eaux que de laisser la civilisation en polluer la surface. Il faut noter d’ailleurs que si les requins de Sous la Seine n’attaquent que très rarement des femmes, les corps mutilés qu’ils laissent derrière eux appartiennent toujours à des hommes. C’est comme si les femmes « retournaient à leur élément » (l’eau) et étaient respectueusement réunies à l’océan-mère, tandis que les hommes étaient détruits en châtiment du mésusage qu’ils ont fait de leur position. Cette destruction reflète naturellement l’outrage que représenterait un pouvoir masculin illégitime : les débris des corps masculins rejoignent les détritus du septième continent et les eaux polluées de la Seine.2
Notons enfin que le film compte un seul véritable protagoniste masculin, mais qu’il s’agit d’un lâche : Adil, le capitaine de la brigade fluviale, est un ancien militaire qui a abandonné son équipe à une mort certaine dans des circonstances jamais précisées. Le courage est une forme de « nudité » face à Dieu : il consiste à remettre le contrôle de son destin à la Providence. Contrairement à Sophia, qui a spontanément plongé parmi les requins pour sauver ses hommes, Adil n’a pas su risquer sa vie pour accomplir sa mission. Refusant sa vulnérabilité devant Dieu, il a lui aussi contribué à réveiller les ourses. Adil connaît cependant une forme de rédemption dans la dernière scène en sauvant la vie de Sophia, et devient ainsi le seul personnage du film à obtenir le privilège de mourir à la surface.
Les jeux olympiques antiques étaient interdits aux femmes. La compétition, la poursuite de l’excellence, le retranchement des moins qualifiés, sont des processus généralement associés à la masculinité, qui exclut, discrimine et purifie. Le feu est le symbole le plus évident de cette purification. Insaisissable en soi, mais seulement tangible dans ses vestiges, le feu n’épargne que les matériaux solides ou précieux ; la flamme olympique, dressée victorieusement, est un symbole essentiellement masculin. Cependant, c’est le symbolisme féminin, celui de l’inclusivité et de la tolérance, qui fut mis en avant pendant l’organisation des JO de Paris.
Le logo des JO représentait d’abord les chiffres 2 et 4 formant l’image de la Tour Eiffel, mais ce symbole jugé phallique a été remplacé par une flamme formant un visage féminin (celui de Marianne). On pourrait y voir un mauvais usage du symbole, puisque comme on vient de le dire, la flamme olympique est un symbole masculin à plus d’un titre. Or, dans ce remarquable logo, c’est précisément l’absence de la flamme qui crée le visage de Marianne, délimité par ses cheveux. Sans sombrer dans le freudisme, la flamme, elle-même naturellement « phallique », semble ici disparaître pour laisser place à un tout autre symbolisme.
De la même façon, les mascottes de l’évènement ne sont pas des coqs, comme pour la coupe du monde de football 1998, mais des bonnets phrygiens, dans lesquels on a pu reconnaître un symbolisme sexuel féminin (que les créateurs n’ont pas désavoué). Ces coiffes symboliseraient une conception féminine de la devise française « Liberté, égalité, fraternité » opposée au très masculin et très compétitif Citius, Altius, Fortius des Jeux Olympiques antiques.3
Le sens rituel et spirituel de la compétition faisait des jeux olympiques antiques un culte à Zeus, supposément fondé par son fils, le demi-dieu Héraclès. Or, dans la cérémonie d’ouverture, le tableau païen représentant le festin des dieux ne célébrait pas Zeus, ni Héraclès, mais Dionysos ou Bacchus.4 Dans notre contexte, cette bacchanale évoque le mythe des bacchantes, qui nous est parvenu notamment par une tragédie d’Euripide. Dans Les Bacchantes, Dionysos cherche à se venger de son cousin Penthée, roi de Thèbes, qui refuse de lui rendre un culte et même de reconnaître son origine divine. Le dieu vexé se venge en faisant sombrer les femmes de la cité dans un délire orgiaque et frénétique.
Le principe chaotique n’étant pas reconnu à sa juste valeur comme un élément nécessaire de la création, il se venge en submergeant le principe d’ordre qui se croit invincible. Les jeunes idiots du livre d’Élisée moquent la nudité de l’individu seul devant Dieu, comme s’ils n’étaient pas nus et vulnérables eux-mêmes : les êtres indomptés de la création surgissent et les dévorent. L’homme manque dans son œuvre civilisatrice au respect dû à la nature sauvage : celle-ci devient folle et se rebelle en lui envoyant ses requins tueurs. Et à la fin de la pièce d’Euripide, l’orgueilleux Penthée est démembré par les Thébaines. Notons que les ourses du texte sacré, les « requines » du film d’horreur et les citoyennes de la pièce de théâtre sont toutes des « femelles ».
L’aspect bachique de la cérémonie participe donc de cette submersion diluvienne censée renouveler la face de la Terre après l’échec des métaphysiques « masculines » : comme le fait remarquer Pageau, ce n’est pas pour rien que la bacchanale fut suivie d’une obscurité presque totale, puis de la chanson Imagine de John Lennon, célébrant l’avènement d’un paradis terrestre après la destruction des limitations anciennes.
Mais c’est dans ce rêve de renouvellement terrestre que réside l’erreur de nos nouvelles esthétiques subversives. Les gens qui appellent de leurs vœux le déluge le font sans doute de bonne foi, mais semblent ignorer ce qu’il implique. La célébration de la folie et de la transformation ne peut se mêler à la célébration de l’excellence et du progrès. Nul ne peut fonder son identité sur l’ambiguïté ou l’ouverture, qui sont précisément le contraire de l’identité. Certes, ce monde arrogant doit vaincre l’illusion de sa propre auto-suffisance pour survivre, et donc, d’une certaine façon, se nier pour se trouver. Mais ce paradoxe ne saurait être résolu ici-bas. Le Christ a dit : « celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera. » (Marc 8:35).
Outre des problèmes d’organisation, des supporters incontrôlables, ou encore des actes de violence sur des journalistes et des athlètes, ces JO ont déjà vu apparaître des phénomènes traditionnellement associés à l’ambiguïté et au déluge : des affaires d’espionnage, de sabotage ou d’empoisonnement ont été rapportées.5 Une vague de désordre semble s’abattre sur cette compétition originellement dédiée à la victoire de l’individu sur lui-même et à la victoire de la civilisation sur les forces chaotiques de la nature. En somme, les JO de 2024 semblent souffrir de problèmes de perméabilité. Les eaux de la transformation s’y infiltrent même là où elles ne sont pas invoquées.
Sous la Seine promet à un monde trop sûr de lui l’irruption soudaine de ses péchés enfouis. Les obus immergés et les détritus du septième continent provoqueront peut-être la destruction de la civilisation. Mais la Bible nous offre une perspective plus intéressante sur ce qui suivra. Le gros poisson du livre de Jonas ne démembre pas le prophète pour punir sa couardise, mais le ramène à son rôle de médiateur entre les vices des Ninivites et les décrets du ciel. Le Déluge lui-même n’est pas un engloutissement complet : l’arche d’où viendra le repeuplement du monde abrite le masculin et le féminin, contrairement au kiosque à journaux où Sophia dépose le corps inanimé d’Adil pour contempler seule l’extinction de l’humanité. Si l’engloutissement du monde par le chaos devait demeurer un évènement purement historique et terrestre, il ne pourrait déboucher sur une renaissance, et finirait comme notre petit film d’horreur. Mais le chaos aussi appartient à Dieu. Le renouvellement du monde par l’océan de la transformation n’aura pas lieu sous le patronage de Dionysos, de Lilith ou de John Lennon, mais sous le règne de Celui-là seul qui peut marcher sur les eaux.
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